Villaines-la-Gonais, 15 February 2014
Alfred de Grazia receives the Légion d'Honneur
Par décret présidentiel du 31 décembre 2013, Alfred de Grazia s’est vu accorder le titre de Chevalier de la Légion d’Honneur. Le 15 février, lors d’une petite cérémonie à la Salle des Loisirs de Villaines-la-Gonais (Sarthe, 500 hab.), la médaille de la Légion d’Honneur lui a été remise par son ami Philippe Richer, membre de l’ordre. On chanta La Marseillaise. Alfred est titulaire de plusieurs décorations de la Seconde Guerre Mondiale: la Croix de Guerre française, le Bronze Star des Etats-Unis, la médaille EAME (Europe Afrique Moyen-Orient) avec Silver Battle Star et autres additions (pour sept campagnes). Bien que la Légion d’Honneur lui ait été attribuée en partie pour sa contribution à la Libération de la France, elle distingue autant le politologue, philosophe et écrivain, auteur de nombreux livres.
By Presidential decree of December 31, 2013, Alfred de Grazia was made a Chevalier of the Légion d’Honneur, France’s highest honor. On February 15, at a little ceremony at the Leisure Hall of the village of Villaines-la-Gonais (500 inhabitants), the medal of the Légion d’Honneur was pinned on him by his friend Philippe Richer, a member of the Order. The Marseillaise was sung. Besides the Légion d’Honneur, Alfred has, from WWII, the French Croix de Guerre, the American Bronze Star, the EAME (European African and Middle Eastern) medal with a Silver Battle Star, a Bronze Arrow and Two Bronze Stars (standing for seven campaigns). Although the Légion d’Honneur was given him in part for his military contribution to the liberation of France, it also went to the political scientist, philosopher and writer, author of many books.
Philippe Richer
Philippe Richer
Philippe Richer, 90 ans, aime le tango et Carlos Gardel. Il est un expert de l’Asie du Sud-Est et de la Chine. Il fut ambassadeur de France au Vietnam du Nord, et le premier envoyé diplomatique français en Mongolie depuis Saint Louis IX en 1253... Il est conseiller d’état honoraire. A l’été 1943, ayant fini son bachot pour faire plaisir à ses parents, il enfourcha sa bicylette et pédala jusqu’à la frontière espagnole pour rejoindre De Gaulle à Londres. Il fut trahi par son passeur et capturé par la Gestapo. Il fut envoyé au camp de concentration de Buchenwald, en Allemagne. En route pour le camp, il sauta du train. Il fut repris et passa près de deux ans à Buchenwald, jusqu’à la libération du camp,en 1945, avec le statut d’évadé. Il y “fêta” son vingtième anniversaire. Avec son ami Stéphane Hessel, il organisa pendant de longues années des séminaires pour des lycéens d’Europe, particulièrement d’Europe de l’Est, pour discuter de la démocracie. Dans cette même promotion de la Légion d’Honneur du 1er janvier 2014, il a été fait Grand Officier.
Philippe Richer, 90, loves the tango and Carlos Gardel. He is an expert of Southeast Asia and China. He was the French ambassador to North Vietnam and the first French diplomatic envoy to Mongolia since Saint King Louis IX (that goes back to 1253...) He is a honorary Counsellor of State. In the summer of 1943, having gotten his baccalauréat to make his parents happy, he jumped on his bicycle and pedalled all the way to the Spanish border, in the hope of joining De Gaulle in London. He was betrayed by a people smuggler and captured by the Gestapo and sent to the concentration camp of Buchenwald, in Germany. On the way there, he jumped out of the train. He was recaptured and sent to Buchenwald, where he spent almost two years, with the status of an “escapee,” until the liberation of the camp in 1945. He “celebrated” his twentieth birthday there. Together with his friend Stéphane Hessel, he organized over many years a seminar for young European high school students, mostly from Eastern Europe, to discuss democracy. In the same promotion of the Légion d’Honneur of January 1st, 2013, he was made a Grand Officier.
M. Jean Bachelier, centenaire et Résistant
Mr. Jean Bachelier: friend of Alfred, 101 years old, Resistance fighter, Croix de Guerre. His brother, also a Resistance fighter, died in deportation.
M. le Maire, Michel Odeau
C’est M. Michel Odeau, Maire de Villaines-la-Gonais, qui prit l’initiative de proposer Alfred de Grazia pour la Légion d’Honneur. M. Fernand Geslin et ses camarades vétérans de la guerre d’Algérie voulaient faire un geste de bienvenue pour accueillir parmi eux ce nouvel habitant de Villaines-la-Gonais et vieux vétéran de la Seconde Guerre Mondiale. C’est ainsi que Michel Odeau apprit qu’Alfred de Grazia était titulaire de la Croix de Guerre, professeur et auteur d’une oeuvre considérable. Il s’adressa à M. Jacky Emery, de la Préfecture de la Sarthe, qui mène par ailleurs une remarquable campagne bénévole pour perpétuer le souvenir des aviateurs américains tombés lors du Débarquement en Normandie. Avec l’aide de Mme Arlette Chaligné, Secrétaire Administrative du Département de la Sarthe, qui elle-même organise des visites de lycéens sarthois dans les camps de déportés d’Europe, un long processus a été engagé par M. Odeau, M. Jacky Emery et Mme Chaligné, rendu plus difficile encore par le fait que la plupart des documents nécessitaient d'être traduits. Processus couronné de succès...
Mr Michel Odeau, the Mayor of Villaines-la-Gonais, took the initiative of proposing his new citizen, Alfred de Grazia, for the Légion d’Honneur. M. Fernand Geslin and his comrades, local veterans from the Algerian War, wanted to extend a welcoming gesture to this old veteran of WWII who had come to live among them. This is how Michel Odeau discovered that Alfred had been awarded the French Croix de Guerre and was a professor and the author of many books. He contacted M. Jacky Emery, at the Préfecture of Sarthe, who in his spare time is conducting a lone campaign to keep up the memory of American aviators lost during the Normandy landings. With his help, and the help of Mme Arlette Chaligné, Administrative Secretary to the Préfecture of Sarthe, who herself is active in organizing field trips for local highschool students to the Deportation Camps in Europe, an unusually complicated procedure, involving documents in French and English, was carried out, and crowned with success.
Mme Arlette Chaligné
Mme Arlette Bouvier-Chaligné
Secrétaire Administrative du Département de la Sarthe
Commandeur de la Cross of Liberty
Le conseil municipal
Chantal Froger, la secrétaire de mairie de Villaines-la-Gonais
Cérémonie et vin d'honneur
Venus d'ailleurs
Peter
Peter, from Stockholm, MD, surgeon, poet. His Swedish song at the banquet will be remembered...
Rosamaria & Richard
Rosamaria et Richard, de Bergame, Italie. Elle est avocate, politiquement engagée sur le plan local dans la vallée de Bergame. Elle chanta Bella Ciao, et prit beaucoup de photos. Richard est un enseignant Montessori et enseignait l'anglais à l'Université de Bergame.
Rosamaria and Richard, from Bergamo, Italy. She is a lawyer, politically active on the local level. She sang Bella Ciao, and took a lot of pictures. Richard is a Montessori teacher and taught English at the University of Bergamo.
Susanne & Alexandre
Susanne et Alexandre ont chanté en duo, en italien, en grec et en allemand. Elle est violoncelliste et membre d'une organisation, Partage-Tanzanie, qui parraine des orphelins en Tanzanie. Il est avocat international et consultant. Il voyage beaucoup. Présentement, il aide les pays du printemps arabe à se doter de nouvelles institutions démocratiques.
Susanne et Alexandre sang in duet in Italian, Greek and German. She is a cellist and member of an organization, Partage-Tanzanie, taking care of orphans in Tanzania. He is an international lawyer and a consultant. He is presently helping countries of the Arab Spring to acquire new democratic institutions.
Pierre
Pierre is a product of Normale Sup, professor, and impassioned with the theater.
Le banquet au "P'tit Bistrot"
Le diplôme
Notes du discours de Philippe Richer
Discours de remerciement
Anne-Marie de Grazia:
Chers amis,
je vais vous remercier au nom d’Alfred, d’abord parce qu’il est trop ému pour le faire lui-même, et ensuite parce que son français est insuffisant pour le faire convenablement. Il lit le français, il le comprend, mais il le parle plutôt mal...
Merci à vous, Philippe Richer, qui au nom de la France venez de remettre à Alfred sa plus valeureuse distinction. Et quel honneur, quel bonheur que ce soit vous, Philippe Richer, un ami comme vous! Vous avez été ambassadeur de France, vous avez été conseiller d’état, vous êtes toujours conseiller d’état honoraire, vous êtes ce que l’on appelle un “grand serviteur de l’état.” Vous êtes l’auteur de livres remarqués sur l’Asie du Sud-Est et sur la Chine. Vous fûtes même le premier Chargé d'Affaire français en Mongolie depuis Saint Louis! Mais vous êtes aussi ce gamin de dix-neuf ans qui à l’été de 1943 a enfourché sa bicyclette pour tenter de rejoindre le Général de Gaulle à Londres. Vous vouliez passer la frontière espagnole, mais vous avez été trahi par votre passeur. Vous avez été condamné au camp de concentration de Buchenwald, en Allemagne, dont vous n’aviez pas beaucoup de chance de revenir vivant. En route pour Buchenwald, vous avez sauté du train. On vous a rattrapé. Vous êtes resté détenu à Buchenwald jusqu’à la fin de la guerre. Vous avez survécu, ce qui n’était pas prévu... Vous représentez aussi la France qui ne se couche pas, la France qui ne décroche pas, la France qui perdure...
Vous et Alfred vous représentez tous les deux, devant nous, un siècle tourmenté de l’histoire humaine... Alors, encore une fois, cher Philippe Richer, merci! Quel bonheur, quel privilège de vous avoir avec nous...
Merci à la France qui a ainsi accueilli, dans son grand âge, ce grand voyageur du monde, cet infatigable voyageur des idées, mon mari, Alfred. Merci à la France physique et éternelle, la France des tilleuls et des vieilles églises et des rivières, qu’incarne si joliment Villaines-la-Gonais et que nous avons retrouvée quand nous avons acheté notre maison, il y a sept ans.
Merci à Monsieur le Maire, Michel, merci à vous, car c’est grâce à vous que nous sommes tous ici. C’est vous seul, avec je crois Monsieur Emery, qui malheureusement n’a pas pu se joindre à nous, qui avez eu l’idée de proposer mon mari pour la Légion d’Honneur. Jamais, jamais une idée pareille ne nous avait effleurés! C’est vous qui avez tout enclenché! Et lorsque vous m’avez fait part de votre idée, je vous avoue que je n’y croyais pas! Voyez comme j’ai eu tort! Merci, Michel, pour tout vos efforts, et pour votre accueil aujourd’hui, et pour l’hospitalité de Villaines-la-Gonais!
Merci à vous, Madame Chaligné, qui vous êtes occupée de toutes les démarches, infatigablement, pendant près de trois années, en surcroît de votre travail de Secrétaire Administratif de Préfecture à la Préfecture de la Sarthe, démarches d’autant plus difficiles que nombre de documents avec lesquels vous deviez travailler étaient en anglais... Nous fêtons aujourd’hui votre succès...
Merci à vous, Fernand Geslin, qui représentez les vétérans de Villaines-la-Gonais. C’est vous qui, un onze novembre, au Monument aux Morts, voyant Alfred, cet inconnu, ce fraîchement arrivé qui parlait peu français, qui avez eu le premier l’idée de le faire bénéficier d’une distinction par les vétérans sarthois, et c’est ainsi que Monsieur le Maire et Monsieur Emery ont appris qu’Alfred avait déjà été décoré de la Croix de Guerre, et qu’il pouvait être un candidat à la Légion d’Honneur...
Merci à vous, Nicole Desjouis, première adjointe, qui êtes un peu comme la maîtresse de maison de Villaines-la-Gonais, qui avez l’oeil à tout, qui prenez soin de tout, avec charme et autorité, merci d’être notre hôtesse aujourd’hui. Merci à vous, Chantal Froger, qui depuis votre bureau de secrétaire de la Mairie de Villaines-la-Gonais, avez suivi toute cette affaire avec toujours tant de gentillesse et de compétence.
Merci à vous, les vétérans qui êtes venus de La Ferté-Bernard pour honorer ce vieux vétéran des Etats-Unis d’Amérique, qui vous salue et qui est votre nouvel ami!
Merci à vous, tout les habitants de Villaines-la-Gonais, qui nous avez si bien accueillis chez vous, avec sympathie et discrétion, et rendu notre vie ici tellement agréable! Tous nos amis, tout les membres de notre famille de pays très différents qui viennent nous rendre visite sont impressionnés par la sérénité, l’organisation, l’ordre, la gentillesse qui règnent ici.
Merci aussi à nos amis de Paris, de Poissy, de Bergame en Italie, de Stockholm qui nous ont fait l’honneur et le plaisir de se joindre à nous pour cette petite fête!
Et maintenant, Pierre va vous lire un extrait d’une lettre qu’Alfred a écrite il y a soixante-dix ans, en 1944, à sa première femme, Jill. C’est une lettre qui a été écrite et envoyée de France. C’est une lettre intime, une lettre d’amour, la lettre d’un soldat. Sa femme est à Chicago, avec leur petite fille Cathy, âgée de quelques mois, qui est née après le départ d’Alfred et qu’il n’a pas encore vue. Venant d’Italie, il vient de débarquer en Provence, près de Saint-Tropez, avec la Septième Armée américaine et la Première Armée Française. Il lui raconte ce qui se passe. Il se passe ceci:
"...L'autre jour, je me trouvai avec une batterie française montée près de Toulon. Nous venions de capturer le terrain sur lequel ils s'emplacèrent aussitôt et nous eûmes droit à un festin grand format en plein milieu de la bataille. Il y avait plusieurs fermes alentours et les familles et les soldats mangeaient en plein air, en grandes tablées successives, sous les arbres. On buvait le vin aussi vite qu'il arrivait sur la table et il y avait un étalage de rations, entourées de plats de tomates fraîches et de pommes frites. D'une main ils faisaient la guerre, et de l'autre, ils célébraient la libération de la France. Les canons étaient montés à dix mètres à peine et partaient à tout moment au-dessus des têtes des festoyeurs. Le capitaine de batterie venait de temps en temps prendre un verre de vin et une poignée de frites et puis il courait à son PC à quelques mètres de là pour redonner l'ordre de tirer. Cela continua pendant des heures, longtemps après que la nuit fût tombée. Les canons continuaient de pilonner les Allemands abasourdis qui contrattaquaient sans succès, les dîneurs repus se levaient et d'autres prenaient la relève. Les noirs Sénégalais en sueur faisaient faire des tête-à-queue à leurs camions en amenant les munitions, avec de grands rires et presque en dansant, tant ils étaient excités et enthousiastes au boulot. Sur une colline proche, un incendie de forêt éclairait le ciel qui s'obscurcissait et le tir des howitzers illuminait davantage à chaque fois qu’il éclatait. Les vignes étaient blanches de poussière, les grappes de raisin étaient écrasées par les grosses roues et par les pas précipités. Mais personne ne s'en souçiait - puisque c'était des pieds français et des roues françaises. Les Français se libéraient eux-mêmes!..."
Alfred nous laisse ici, à chaud, au milieu de la bataille, une magnifique image qu’il a voulu partager avec sa femme et qu’il partage avec nous aujourd’hui, celle de ces gens qui “font la fête d’une main,” et qui de l’autre libèrent la France... Une image qui est digne de rester dans nos mémoires...
Merci, Alfred!
Discours de Pierre Cohen-Scali
J’ai comme l’impression en débutant ce discours de jouir d’un honneur immérité… Tout se passe comme si l’onction reçue par Alfred était venue m’éclabousser, quand je ne n’en étais pas digne.
Donc, pour construire ma légitimité, tel un nouveau riche, ou un usurpateur, j’en ferai trop, et je serai pédant…
Aussi citerai-je Chateaubriand, pour commencer. Les Mémoires d’Outre-Tombe : « Trois catastrophes ont marqué les trois parties précédentes de ma vie : j'ai vu mourir Louis XVI pendant ma carrière de voyageur et de soldat, au bout de ma carrière littéraire, Bonaparte a disparu, Charles X, en tombant, a fermé ma carrière politique. » […]
« Quand la mort baissera la toile entre moi et le monde, on trouvera que mon drame se divise en trois actes. »
Plus loin : « Dans mes trois carrières successives, je me suis toujours proposé une grande tâche »
Pourquoi donc Chateaubriand, me direz-vous ? Pour les catastrophes, c’est entendu.
Mais aussi parce que le privilège d’Alfred est d’avoir mené plusieurs vies. Il y a eu et il y a encore plusieurs Alfred.
- Le soldat : de 1942 à 1945 Oran, La Sicile, Rome, St Tropez, jusqu’à l’Allemagne, en passant par l’Alsace libérée où la petite Anne-Marie n’avait pas encore vu le jour, mais pas la fille d’Alfred, qu’il ne connaissait pas.
- Le voyageur. Il a sillonné la planète, et parfois, il a posé ses valises : l’Amérique, la France, mais aussi l’Italie, et « ce promontoire, dans l’Egée », « face à la passe que Lawrence Durrell appela (c’est à lui que je me réfère, citant Anne-Marie) « le cœur prismatique de la mer grecque. » … Vous noterez un goût prononcé pour les sillons – fractures –hiatus – cusps – et autres fronts.
- Le trompettiste, dans le sillage de son père sur les quais de Chicago, épaté par le jazz – déjà une histoire de syncope.
- L’amant, le mari, le fils frère père… grand… Arrière ! – C’est au séducteur que je m’adresse.
- L’Universitaire, Le Professeur. A Chicago, New York, à l’université du Minnesota, à Providence comme à Stanford, mais aussi à Göteborg, Istanbul et Leithbridge, sans compter Bergame.
- L’expert, le conseiller, auprès du département d’Etat ou du département de la défense.
- L’homme de plume, enfin, est infatigable : il est l’auteur de multiples ouvrages académiques, d’essais, de romans, de pièces de théâtre, de recueils de poèmes … plus une autobiographie.
Multitude des vies, multitude des facettes d’Alfred. Je pense à Pessoa. Reste qu’Alfred, lui, signe toujours De Grazzia. Pas d’hétéronymes, pas de pseudonymes.
Je ne sais pas quelle est son unité, mais vous avez devant vous un homme, A Man – Ein Mensch – et, comme dirait Umberto Ecco… l’Uomo … Un sacré
bonhomme ! Son verbe est rare, mais il est pesé. Sa plume, elle, est prolixe. Quand vous le croisez, vous sentez l’intensité d’une volonté hors du commun, d’une pensée qui jamais ne repose. S’il a cherché la tranquillité, et s’il l’a trouvée à Villaine, c’est pour mieux cultiver le jardin de l’intranquillité : il a lui aussi le goût des grandes tâches.
Pourquoi donc Chateaubriand ? – Je file l’anaphore, histoire de rappeler qui, au nom de la République Française, décerne aujourd’hui les honneurs – rassurez-vous, j’ai le souffle plus court. Normal, je ne suis pas président, moi…
Pourquoi donc Châteaubriand ? – pardonnez-moi, il fallait que je relance, après la parenthèse…
Probablement aussi pour la métaphore théâtrale – ces actes du drame de la vie…
J’ai soudain remarqué que tu as vécu, Alfred, dans des lieux hantés par le théâtre, ou tout près des points d’où surgit, dans le passé, la grande tradition de
la scène occidentale. Pardonne-moi, je ne pensais pas, d’abord, à Broadway. Mais plutôt à Naxos, où, dans le temple de Dyonisos, d’Iria, tout français entend - devrait entendre - l’écho des vers de Racine : « Ariane, ma sœur, de quel amour blessée vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée. » Bon, on sait bien, là-bas, qui la consola, Ariane, aux bords de la fontaine que surplombe le mont Zas. A Bergame, ensuite, connu pour ses masques – les Bergame masques. Non loin de là dans la plaine du Pô, s’élève le Teatro Olimpico de Vicence, et à Sabbioneta, près de Mantoue, on construisit le premier théâtre de l’ère moderne, vers 1590. Pour finir je rappellerai que cette même année, 1590, mourait, au Mans, un certain Robert Garnier. Né 45 ans plus tôt à la Ferté Bernard, il fut l’un des plus grands artisans de la renaissance de la tragédie antique en France.
Sans transition – mais je me dois d’abréger tout en faisant l’éloge de la rupture – je finirai par ma dernière citation. J’ai choisi Verlaine. Contre toute attente, me direz-vous. Soit. Tant pis.
D’abord, le titre : « Clair de Lune » – Ah ! La lune sur Paros et sur la mer !
Puis, je lis, Alfred : « Votre âme est un paysage choisi que vont charmant masques et bergamasque » etc.
Enfin, la paraphrase, Alfred : « Votre âme est un paysage choisi que vont charmant strophes et catastrophes. »
Mille Grazie, Alfred.
Pierre, le 15 Février 2014
La presse
LE MAINE LIBRE
LE REVEIL REPUBLICAIN